De bruit et de fureur

Lorsque la société perd conscience d’elle-même

C’est l’histoire d’une femme. Une femme médecin. Une femme, jeune et homéopathe. Il est des personnes ainsi qui aiment cumuler les difficultés. Donc non contente d’être jeune et femme et médecin et homéopathe, elle a refusé comme de nombreux autres médecins de se faire vacciner. Je sais que les clameurs s’élèvent pour nous dire combien nous sommes des enfants gâtés pourris, nous qui avons la chance de disposer de vaccins quand d’autres pays luttent sans rien et manquent même d’oxygène. Dans mon milieu professionnel, on veut aller de l’avant, que la vie reprenne. C’est un non sujet. Les anti vaccination sont regardés au mieux comme des pauvres demeurés, au pire amalgamés avec les conspirationnistes -et c’est vrai que l’on trouve plein de gens déraisonnables dans leurs rangs, au moins autant que dans les rangs des pro vaccination-. Pour couvrir nos sujets, il faut être vacciné ou courir sans fin vers les tests qui en plus de faire perdre un temps infini et de compliquer une tache déjà difficile deviennent de plus en plus douloureux avec la répétition. Alors au bout d’un moment, il faut choisir entre son métier et ses convictions.

Ce médecin a donc cessé d’exercer et comme on lui interdit de prendre un.e remplaçant.e, sa patientèle se trouve orpheline. Un millier de personnes dans un désert médical. Des gens pour certains avec des pathologies graves et qui ont pleine confiance dans leur docteur, même sans vaccin. Des patient.es à qui l’ont n’a pas laissé le choix de continuer à voir leur médecin non vacciné ou d’en choisir un autre. Et comme si ces tous ces docteurs n’étaient pas suffisamment puni.es, meurtri.es, l’ordre les menace encore d’autres sanctions ? Faut-il rappeler ici le nombre d’années d’études pour devenir médecin ? Les sacrifices et la peine que cela représente ?

Ces mêmes médecins, qui il y a quelques mois, la vox populi érigeait en héro et héroïne parce qu’ils et elles ont continué leur travail sans masque, sans protection, parce qu’il n’y en avait pas et qu’il fallait faire avec. Ce sont les mêmes qui chez les pompiers, les infirmières, les aides-soignantes, les auxiliaires de vie… ont tenu bon. Personne n’a hurlé à l’hérésie quand un pompier recevait des vomissures ou du sang en geyser d’un malade très atteint. Ils et elles intervenaient sans FFP2 car il n’y en avait pas. Vous vous rappelez de ces fameux stocks de masques que l’on cherche encore ? Ils et elles étaient dehors et revenaient la peur au ventre de contaminer leur famille, leurs enfants mais gardaient la bouche close. Ils laissaient leurs vêtements hors de la maison. Et les portes de leur maison étaient désinfectées au cas où, on ne sait jamais. Dans certains EHPAD, le personnel s’est enfermé avec les résident.es pour ne pas ramener la maladie de l’extérieur. Dormant sur des lits de fortune, se coupant de leur famille. Ces médecins de campagne ont tenu la main de leurs patients malades du covid ou pas. Surtout qu’au départ, sans test, on ne savait même pas qui était malade ou pas. Qui mourait de quoi mais peu importait. Ce qui comptait c’était la prise en charge de tout le monde. Pour une fois dans notre société individualiste, les gens étaient fiers les uns des autres. Chacun, chacune tentait de contribuer à sa façon. Tous les talents de toutes les sortes étaient les bienvenus.

Qui allait faire des courses pour les plus fragiles, qui récoltait des courses pour les étudiant.es précaires ou les plus démuni.es, qui fabriquait des masques en tissu -vous savez ceux que le gouvernement s’est empressé d’interdire quand l’industrie a enfin pu en produire qui arrivent jusque dans les pharmacies et les supermarchés. Rappelez-vous !-, qui cuisinait pour ces pauvres soignant.es si méritant.es et épuisées. Epuisé.es par ce que l’épidémie empêchait enfin de cacher, tout ce qu’ils et elles dénonçaient depuis des années dans le vide. Tout ce que l’état refusait d’assumer depuis des années : le manque criant de personnels, les lits et mêmes les unités entières fermées, le manque chronique de certains médicaments. Les numérus clausus qui depuis des décennies limitent l’accès aux études de médecine, de kiné… et créent des manques criants dans un pays riche comme la France.

Pour une fois, la vérité nous faisait face. Le président devait bien reconnaitre que les premiers de cordée n’étaient pas ceux qu’ils croyaient. Tous ceux qu’il aimait tant flatter, exerçaient leur métier derrière leur ordinateur. Bien à l’abri de la contamination malencontreuse pendant que les caissières et tous les gens de peu tenaient ce pays et tous les autres debout, prenaient tous les risques pour des salaires de misère.

Nous avions une chance inouïe, enfin, de faire la paix, de comprendre que c’est ensemble que l’on réussit et que l’on a besoin des talents de tout le monde. Mais non, il a fallu au contraire élargir plus encore la cassure. Séparer les vaccinés, des non vaccinés, créer un pass sanitaire qui montre du doigt les mauvais, les réfractaires, les décérébrés. Ceux qui refusent le progrès… Et là on jette au ban de la société, ceux qui pensent différemment. Dans une société où l’on ne s’entend plus, où l’on ne s’écoute plus, notre « civilisation » perd de vue que l’obstacle est devant nous. Que le vrai défi, c’est le changement climatique. Pendant que la maison brûle, nous regardons ailleurs en espérant qu’un miracle se produise…

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